jeudi 28 juin 2012

"Mes morts vivent en moi. Ils me tiennent compagnie. Ils voyagent et respirent à mon rythme."



Si j'étais un homme je t'écrirais une chanson d'amour qui rendrait inexistant les mots des autres. Je te murmurerais ce que je vois dans tes yeux quand tu pleures, ce que ça fait jaillir dans mon cœur. Je te blâmerais de me rendre inapte à vivre sans toi, je te cracherais ma dépendance qui m'enserre la poitrine quand j'imagine que tu t'éloignes. Parce que tu apparais pendant ces nuits d'insomnie peuplées de cordes pendues aux poutres de ma mémoire. Je te ferais des promesses d'hommes, celles qu'on entend sans y croire mais auxquelles on s'accroche. Et quand je tremble au fond du lit froid de solitude, mes songes s'envolent vers un toi qui est bien trop loin. Si j'avais la force et le pouvoir je bâtirais tes rêves de mélodies chancelantes, composées sur un piano qui ne sonne plus très juste. Je te dirais que c'est à cause des heures passées à faire saigner mes doigts pour laisser quelques accords créer ce que je ne sais pas te chuchoter. Je t'envelopperais tout entier d'un regard qui suffirait à lui seul à habiller ta nudité sans que tu n'aies à te barricader derrière ces couches de plâtres qui te font te sentir plus sûr. Je saurais te mettre à l'abri des tempêtes qui balaient la vie. Je serais un poète qui aime dans sa douleur, et ça rendrait cela encore plus beau. L'éternité serait possible, pardonnable, juste pour que je puisse étancher mon besoin de te donner les mots qui se logent dans les couleurs froides de mon cœur. J'écrirais le désarroi qu'est le mien d'être moi, de ne pas être toi. Si j'étais un homme, mes paroles seraient nobles, je pourrais être celle que je suis sans la crainte d'être fustigée de regards qui hurlent le mépris que les lèvres taisent. Je serais extraordinaire, pauvre victime d'une âme trop faible, assiégée par ses émotions, possédée par une douleur familière, muette mais mordante. Je me baladerais, fier d'être aimé par des gens qui ne comprendraient pas ce que j'exprimerais. Je pourrais être insouciante, je pourrais exploser,  vibrer, rêver, pour au final disparaitre. Si j'étais un homme je serais un salaud qui danse sur les cordes sensibles, torturant sans cesse par une foule de désir que j'assouvirais. Je serais la dispute, les coups, les remords, les pardons, les solutions. Je serais l'assassin et le sauveur. Je serais légère et lourde, assez pour être à tes côtés et m'en émouvoir constamment. Et quand tu serais parti, j'aurais pu me venger, sacrifier des souvenirs pour nourrir la haine qui ronge et qui ment. Je n'aurais pas peur d'être furieuse. Je n'aurais pas peur de ne jamais m'en remettre. Je m'écroulerais lamentablement quand le soleil se serait levé, rampant vers un lit que jamais je n'aurais atteint. Je te regarderais à travers les yeux de ma mémoire et tu aurais senti le poids de mes cris silencieux, capturés par un attrape-rêves défectueux. Je te laisserais ne pas être à moi, parce qu'on aime quand on est libre. Si j'étais un homme je saurais te laisser partir. Je pourrais accomplir le sacrilège. Si j'étais un homme je n'aurais plus d'excuse pour me défiler, je pourrais plonger mes yeux dans les tiens et te dire sans un mot les éclats de verres qui sont plantés le long de mes artères. Chaque pulsation arracherait un hurlement mais je n'aurais pas eu à choisir entre la souffrance et toi.


Mon corps est trop étriqué pour que je puisse lui survivre.

3 Phalange(s):

Anonyme a dit…

Psylvia, un mort ne vit pas ! Un mort c'est un mort ! Et les morts on les enterre dans les cimetières. On n'enterre que leur carcasse (leur corps physique) tandis que leur esprit (leur corps spirituel) est parti dans une salle d'attente. Ceux qui sont partis n'auront plus jamais part aux terriens.

Certes tu parles au figuré je suppose, quoi qu'il en soit tu n'es pas un cimetière à ce que je sache ! Pourquoi t'empêtrer à 20 ans avec des choses mortes !

Sauf s'il s'agit d'une fiction... sauf s'il s'agit d'une fiction on sent que tu es dans le creux de la vague et que des flots impétueux te balladent (encore) de droite et de gauche. On sent le mal que tu as pour te dégager. Entre mort et vie, entre amour et haine et même entre assassiner et sauver, tu divagues dans un lyrisme touchant et remarquable (c'est là que tu m'accroches il faut que je fasse gaffe).

Moi qui suis un homme, je comprends un peu les tourments qui agitent tes tripes. Je ne dis rien... j'ai l'impression d'avoir fait tout ce que tu souhaiterais faire ?

Gémir n'est pas soupir... Ah la la... Un jour tu verras, tout sera derrière, et tu en souriras, et tu en souriras... pour de vrai (d'avoir fait j'espère les meilleurs choix).

MR. a dit…

Et si la souffrance est ce "Toi", comment fait-on? Comment fait-on pour vivre, le coeur-passoire, le coeur-gruyère, comment ne pas être sa propre corde de pendaison? Parfois, je me demande pourquoi et de quelle façon on réussit à survivre dans ce monde où nos joies enfantent nos failles, où nos vies nourrissent nos morts. Si je connais les dualités-monistes, je ne sais comment on s'en sort. Peut-être faut-il toujours lâcher la Bête, mettre à chaque partie notre coeur sur la table, accepter de se faire baiser sans caresses, de se noyer dans nos larmes et d'en rennaitre. Saura-t-on seulement un jour comment faire? Peut-être. En tous cas, je crois que si on en meurt on s'en sort, plutôt cabossée, rabibochée, joli patchwork, mais on s'en sort avec l'air qu'on trouve, même dans la plus profonde des grottes au plus profond des cachots du monde des Hommes et de leurs rêves. A toi.

Monsieur Novembre a dit…

Merci pour ce texte que je n'ai pas été capable d'écrire...

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Des mots en vracs.

"L'aliénation consiste en ce que l'individu laisse quelque chose de lui-même sortir de lui-même et devenir ainsi une influence ou un pouvoir extérieur" R. A.Nisbet


"Il en résulte que les raisons de vivre nous manquent; car la seule vie à laquelle nous puissions tenir ne répond plus à rien dans la réalité, et la seule qui soit encore fondée dans le réel ne répond plus à nos besoins" Durkheim