vendredi 15 juin 2012

L'ironie du sort à un goût de cendre.






J’ai toujours été une fille bizarre, un peu trop sensible et qui réfléchissait trop. Puis ça s’est dégradé avec le temps. Je n’ai plus eu d’estime pour moi-même, et quand on ne se supporte plus, il devient délicat de se replier sur soi les jours de tempête. J’arrivais à tenir jusqu’alors. Je respectais les délais communément autorisés et valorisés du deuil que l’on doit faire de la personne que l’on est. Tout est une question de dosage. Il faut se montrer forte et souriante mais également lâcher du lest et donner comme en pâture à des chiens affamés un peu de sa douleur, de son déchirement pour qu’enfin on vous foute la paix. Alors voilà, j’ai pensé que peut-être je pourrais écrire ma peine. Pour me décharger un peu d’un fardeau trop lourd pour moi. Ce n’est pas un appel à l’aide, je ne cherche pas à ce que quelqu’un se désigne dans la foule pour me soutenir, mû par une sorte de charité chrétienne hypocrite. Je me décharge sur les mots, seuls eux ont le pouvoir. Les murs sont devenus rassurants à force de coller mon front fatigué sur cette paroi fraiche et lisse. Un contact. Enfin un contact sans mots qui dissonent avec le regard de ceux qui les prononcent. Je ne leur en veux pas, plus maintenant. La politesse l’emportera toujours, quand bien même cela crée des hommes machines dont le monde tourne autour d’automatismes, quand bien même le monde soit en train vaciller. Et quand c’est mon corps tout entier qui chancelle, ce sont les choses immobiles qui me rattrapent, l’air de rien, en silence. Les murs m’empêchent de tomber.
Ma peine n’est pas si douloureuse. Je ne fonds pas en larme, je ne sens pas mon corps se déchirer en un millier de morceaux vides. Seulement, parfois, mon esprit s’égare, et je me demande ce que cela ferait si je n’étais pas là. Je regarde alors ce qui m’entoure comme si je les découvrais à peine, et j’ai l’impression d’observer ma vie qui est en train de défiler. C’est pour cela que je m’active sans cesse, car si je me tais, je disparais.
***
Ce que j’appelle « peine » ou « douleur » ne sont pas exactement ce que ces mots désignent couramment. Comment définir ceci ? Si je vous dis que c’est plus ou moins semblable à une saturation d’informations, je ne suis pas sûre que cela vous aide à mieux comprendre, et pourtant c’est ce que je ressens. J’ai l’impression de recevoir tant de signaux, souvent contradictoires, tant d’imprévus, tant de données à emmagasiner, que je me retrouve souvent seule et dans un désarroi que je ne comprends pas toujours. Ce n’est pas douloureux, mais cela me laisse dans un état d’insécurité avancé, accentuant mon gout de l’autodestruction psychologique. Je suis, comme souvent, une bombe à retardement. Le pire c’est que j’en ai conscience. Pour être plus claire, je sais que mes réactions premières face à n’importe quelle situation ne sont que des façades et que j’en baverais plus tard. Je le sais, je sais comment je fonctionne, et je ne fais que reculer pour mieux plonger. Mais au moins j’ai un temps de répit. Pour autant, ces derniers temps, j’ai l’impression que je me mets un peu moins dans la merde qu’autrefois. Serait-ce une preuve de maturité, ou bien l’influence bienveillante de quelques amis qui n’ont pas peur de dire ce qu’ils pensent ? Les deux réponses sont sans doute liées. Et maintenant, je ne sais plus si je suis sereine ou blasée. Quand est-ce qu’on a arrêté de se battre pour les détails de nos vies qui nous rendaient pourtant heureux ?
Au final mes peines et douleurs sont douces, elles ne sont pas dans la chair, seulement dans cet infatigable ballet des neurones qui surchauffent. Au moins je ne vais pas mal.

2 Phalange(s):

Anonyme a dit…

Ah la la !

Si tu es en train de te noyer, que quelqu'un te balance une bouée et que tu lui demande ses papiers, là oui, "ton esprit s'égare" !

Au risque de couler, on comprend donc que tu t'interdises de t'arrêter de nager.... N'est-ce pas ? ("Si je me tais, je disparais")...

J'ai envie de dire attention que tout d'un coup la charité chrétienne hypocrite ne t'éblouisse ! A mon avis, vaudrait mieux ça que de disparaître !

MR. a dit…

Freud disait « Si tu veux pouvoir supporter la vie, sois prêt à accepter la mort », peut-être n'avait-il pas si tord qu'il n'y parait, peut-être même qu'il avait raison quand j'y pense. Qu'on ait peur ou non, mal ou non, les choses arrivent, elles viennent se cogner sur nous, en nous, faire des échos instopables qui foutent un bordel pas si joyeux que ça au fond de notre tête et si la solution c'était l'abandon de la lutte, l'acceptation du mal que les choses nous font, qu'on se fait, qui viendront et qui nous laisseront le coeur au caniveau?

J'aimerai cessé de penser et m'en foutre.
Parfois ça marche, d'autre non.
Nous sommes l'oiseau et la cage, notre liberté et notre prison.

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Des mots en vracs.

"L'aliénation consiste en ce que l'individu laisse quelque chose de lui-même sortir de lui-même et devenir ainsi une influence ou un pouvoir extérieur" R. A.Nisbet


"Il en résulte que les raisons de vivre nous manquent; car la seule vie à laquelle nous puissions tenir ne répond plus à rien dans la réalité, et la seule qui soit encore fondée dans le réel ne répond plus à nos besoins" Durkheim